Depuis le pogrom terroriste du 7 octobre, le Moyen-Orient vit sur les sables mouvants de la guerre. Gaza paie le prix du terrorisme aveugle et suicidaire du Hamas et le Liban, pays multiconfessionnel fragilisé par une crise institutionnelle et économique sans précédent, se trouve dans l’œil du cyclone après que le Hezbollah a décidé d’entrer dans la confrontation avec Israël en guise de « soutien » à Gaza.
« Front de soutien ». C’est ainsi que le Hezbollah a nommé son opération militaire non seulement imprudente car à armes inégales mais surtout criminelle à l’égard du peuple libanais.
La milice pro-iranienne a tiré depuis le 8 octobre des roquettes et des obus sur le nord d’Israël, avant même que l’Etat hébreu n’ait commencé son offensive sur Gaza. Cette décision milicienne de participer à une guerre qui ne présente aucun enjeu pour le Liban, à part celui de son affaiblissement effréné, a été prise en ignorant le gouvernement en place, certes démissionnaire, et en méprisant des millions de Libanais opposés à la guerre. Plusieurs sondages indiquent qu’entre 70 et 80 % des Libanais refusent cette guerre que le Hezbollah leur a imposée.
Critiqué à hue et à dia par le peuple libanais dont la parole se libère de plus en plus, le Hezbollah ne sourcille pas et ne dévie pas de son objectif et sa raison d’être officielle : la destruction d’Israël.
Cependant, depuis des mois nous assistons à l’auto-destruction du Hezbollah plutôt qu’à la « destruction » fantasmée d’Israël dont l’Etat a su protéger sa population civile du nord en l’évacuant depuis le début du conflit. Le sud du Liban ; territoire d’implantation militaire du Hezbollah, ressemble aujourd’hui à un terrain vague aux terres agricoles brûlées par les multiples bombardements israéliens, aux villages déserts et pilonnés et aux infrastructures atteintes de dommages sérieux.
On recense plus de 102 000 déplacés, 8000 unités résidentielles complètement détruites et l’on estime à plus de 2 milliards d’euros le budget de reconstruction. Les habitants du sud sont les premières victimes de cette guerre picrocholine qui n’a semé jusqu’alors qu’incendies et décombres.
Le Liban s’est vu perdre sa place cet été dans le classement des pays touristiques, l’aéroport international de Beyrouth a subi multiples dysfonctionnements et certaines compagnies aériennes européennes comme Lufthansa ont suspendu leurs vols vers la capitale libanaise. La crise économique empire avec la menace de placer le pays du cèdre, naguère Suisse du Moyen-Orient, sur la liste grise du GAFI et l’émigration des Libanais, essentiellement chrétiens, augmente.
Le pays est un champ de ruines sans Président de la République et avec des institutions qui ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes.
Le Liban a ainsi été affaibli, martyrisé par une guerre qu’on lui a imposé et surtout entraîné dans une crise existentielle qui remet en question le régime actuel. Le fédéralisme voire le séparatisme commencent à pulluler comme deux mots d’ordre dans le débat public. Le rejet du Hezbollah va chez beaucoup jusqu’au rejet de la formule libanaise construite sur le consensus et le vivre-ensemble qui commence à tomber en désuétude et à ressembler à une vieille antienne décatie.
Le Liban après la guerre ne sera peut-être plus le même. Mais il existera. En revanche, un danger de mort guette le Hezbollah.
Ayant perdu plus de 500 de ses combattants dont Fouad Chokor, le numéro 2 de la milice et principal accusé de l’attentat du Drakkar contre les 58 parachutistes français en 1983, acculé à la grogne populaire non seulement des opposants mais également de la communauté chiite, le Hezbollah ne se bat plus qu’avec des armes éculées. Après l’attentat contre Chokor, la riposte du Hezbollah était fade et sans grands dégâts à noter du côté israélien. Quant à Israël, il continue avec le même rythme offensif à viser des dépôts d’armes et des commandants de la milice chiite. Le Hezbollah est voué à l’échec après cette guerre. Le scénario n’a rien de commun avec celui de 2006 où à l’issue d’une guéguerre avec Israël, Hassan Nasrallah a clamé victoire.
Aujourd’hui, le Hezbollah a moins de députés au Parlement libanais, moins d’infrastructures opérationnels au sud du Liban, moins de commandants et sera contraint de négocier avec les autres composantes libanaises pour débloquer la crise présidentielle qui dure depuis plus de deux ans. Mais cette fois-ci, il ne partira pas d’une position de force, mais d’une position de faiblesse et d’enlisement dans des dissensions internes gardées sous le boisseau. Reste à savoir si la milice composera avec son revers stratégique ou si elle augmentera son degré de violence interne pour compenser cette humiliation externe.
Paradoxalement, la violence étant l’arme des faibles, l’affaiblissement du Hezbollah pourrait conduire à un nouvel embrasement du Liban.
Maya Khadra