Viviane de Beaufort (@vdbeaufort), professeur de Droit à l’ESSEC Business School et spécialiste de l’Europe défend l’idée d’une citoyenneté européenne, pour regagner la confiance des peuples et renforcer la paix. Elle nous livre son analyse et ses propositions.
« Un jour viendra où toutes les nations du continent, sans perdre leur qualité distincte et leur glorieuse individualité, se fondront étroitement dans une unité supérieure et constitueront la fraternité européenne. Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes » : Victor Hugo, 21 août 1849, discours au congrès de la Paix.
Une crise de confiance du citoyen indéniable en Europe
De sondage en sondage, il apparaît clairement que les Européens ont perdu confiance dans l’Union Européenne. Parler d’effondrement n’est plus exagéré, effondrement qui porte un risque majeur, celui du repli identitaire, de la montée des populismes et des régionalismes et d’un sentiment anti-européen.
Blâmons les médias et les hommes politiques qui s’attribuent les succès de l’Europe et critiquent Bruxelles à chaque échec, qui calculent chaque fois comment tirer un bénéfice de popularité à usage interne, pratiquent la démagogie, refusent de prendre les décisions à « Bruxelles » puis descendent dans les capitales et font porter la responsabilité de décisions non prises ou de décisions impopulaires à Bruxelles.
Osons acter que ce ressenti de déficit démocratique est lié au fait que les instances de pouvoir européen ne sont pas visibles et que le débat est perçu comme un objet lointain et opaque, réservé aux élites, sans place accordée au citoyen alors que paradoxalement Bruxelles est une est des place les plus ouvertes au débat du monde (consultations, auditions, rendez-vous faciles à obtenir, politique d’open data, etc).
Reconnaissons également que les Etats membres ne se montrent guère courageux face aux agissements plus que limites de certains des leurs: Hongrie, Roumanie. Alors que consolider ces démocraties constitue l’un des défis essentiels et intrinsèques à l’Europe.
Le paradoxe est qu’au moment même où les institutions européennes voient leurs compétences s’étendre et sont appelées à prendre des décisions dans des domaines sensibles touchant au cœur de la souveraineté nationale, elles ne disposent pas d’un capital de légitimité suffisant. Et les réformes qui interviennent éludent des questions politiques fondamentales : comment simplifier le processus de décision européen pour qu’il soit plus compréhensible pour les citoyens ? Comment renforcer la légitimité démocratique de décisions et notamment répondre au défi de la participation citoyenne ?
Le ferment de l’Europe est son peuple
Nos décideurs ont oublié que le ferment de l’Europe est son peuple et qu’il faut donner du sens à la construction européenne.
La conscience de la nécessité d’avancer sur la construction de l’UE est assez largement partagée. Une lecture attentive des résultats des Eurobaromètres, laisse globalement apparaître que les Français demeurent encore, mais de moins en moins, majoritairement pro-européens, conscients que face aux enjeux mondiaux, l’échelon Europe est dans bien des cas l’échelon d’action à minima. A 66%, la construction européenne leur semble nous rendre plus forts face au reste du monde ? A 66% et ils sont conscients du fait que les Etats ont fait prévaloir leurs intérêts immédiats plutôt qu’agir collectivement à 74%.
Ils souhaitent être mieux informés : à 66% ils ne se sentent pas bien informés sur la vie publique de l’UE et considèrent que les politiques et les Medias devraient parler davantage de l’UE à 76%. Ils ne comprennent pas que l’Union n’agisse pas mieux et davantage, n’étant pas au fait des complexités décisionnelles qui font que dans nombre de domaines l’UE ne dispose pas de compétences étendues ou /et des moyens réels.
Attentes des Européens – Un rôle plus important pour l’Europe est souhaité dans les domaines suivants :
- 87% La recherche
- 86% La lutte contre le chômage
- 86% La protection de l’environnement
- 84% La lutte contre la crise économique
- 78% La protection des consommateurs
- 75% La protection sociale
- 73% La sécurité énergétique
- 72% Le système éducatif et universitaire
- 66% L’aide aux pays les plus pauvres
- 62% La lutte contre l’immigration clandestine
- 55% L’agriculture et la pêche
- 53% La politique étrangère et la défense
- 49 % L’intégration des immigrés non communautaires
Source : Eurobaromètre
Autrement dit, si en ces temps de crise, la réalité de la construction européenne peut être remise en cause, avec des discours sur la sortie de l’Euro, la sortie de Schengen, le rétablissement de barrières commerciales, ravivés par le Brexit du Royaume Uni et les terribles drames qui nous heurtent de plein fouet (exode, terrorisme). L’interpellation sur le fonds, le sens de la construction et les moyens que les Etats se donnent pour aller de l’avant ne doit pas conduire à abandonner ce projet politique unique dans l’histoire et érigé au rang de modèle par tous à l’extérieur. Le projet européen a apporté la paix au continent européen et permet de continuer à l’assurer et à peser sur la scène mondiale, malgré des difficultés immenses. « Faire l’Europe, c’est faire la paix » affirmait Jean Monnet.
Aussi, l’axe pédagogique nous semble mériter d’être creusé et ce sera notre sujet. Les citoyens ressentent un déficit de communication et une insuffisante association au projet alors que celui-ci dans le même temps est clairement perçu, à raison, comme limitant de plus en plus la souveraineté nationale.
Près de quatre Français sur cinq (78%) considèrent que la construction européenne se fait sans que les peuples soient suffisamment consultés.
Une meilleure valorisation des acquis européens
Il faut communiquer sur les acquis de l’Union européenne, faire prendre conscience du fait que si l’Europe n’existait pas, de nombreux avantages concrets économiques et sociétaux qui paraissent aller de soi n’auraient pu être élaborés.
J’ai l’habitude de prendre quelques exemples lorsque j’aborde ces sujets, en voici quelques-uns :
- Si le marché européen intérieur de plus de 500 millions de consommateurs n’existait pas, les entreprises françaises disposeraient d’un marché trop petit face à la globalisation. Le MI a créé de la croissance pendant des années (PIB/ hab 25200 comparé à celui de la Turquie 13000), ouvert des choix aux consommateurs et limité aujourd’hui, quoi qu’on en dise les effets de la crise.
- Les prix ne pourraient pas être aussi stables qu’actuellement (2% environ d’inflation dans la zone euro contre 13% en 1980).
- Le budget européen a pu absorber des chocs asymétriques entre régions (Lander de l’ex Allemagne de l’Est), moderniser l’agriculture, restructurer le secteur textile ou la sidérurgie (87% du budget utilisé à ces politiques).
- Les milliards d’euros du Programme-cadre pour la recherche et le développement (7e PCRD), qui sont autant de crédits supplémentaires pour les entreprises et les organismes en Europe et une source de financement importante pour nos pôles de compétitivité.
- Les dizaines de millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI): en mars 2013, des millions de soutiens aux PME afin de soutenir la recherche et l’innovation et des prêts avantageux pour la modernisation des infrastructures (TER Rhône-Alpes)
- Le Small Business Act pour les PME a sécurisé les délais de paiement, il a permis d’assouplir les démarches administratives et comptables et de donner accès à des financements spécifiques. La seconde version à l’étude fera mieux encore.
- Nous disposons de normes élevées en matière de défense sanitaire et d’une capacité à coordonner rapidement les services sanitaires et à renforcer les contrôles vétérinaires dans tous les pays en cas de crise sanitaire (voir le « scandale de la viande de cheval » avec des solutions accélérées par rapport à ce qui a pu se passer il y a quelques années pour celle de la vache folle).
- D’une manière générale, nos normes environnementales sont de haut de gamme (REACH pour la chimie, essence sans plomb, moteurs propres, anti-tabac, surveillance médicaments, eaux de baignade non polluées, etc )
- La « Grande coalition pour l’emploi et les compétences », lancée par la commissaire à l’Agenda numérique, en mars 2013 qui vise à soutenir la création d’emplois et la formation dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) se développe.
- L’UE a une réelle capacité à peser dans les négociations commerciales avec les pays tiers à l’OMC et en usant d’ Accords bilatéraux (Corée, Pérou-Colombie, Canada, Ukraine , Inde, USA) ; affirmer un principe de réciprocité à l’égard de nos partenaires/ adversaires dans l’accès aux marchés publics internationaux, faire respecter les droits de PI (brevet- contrefaçon), imposer nos normes sanitaires ou écologique ou sociétales, nos règles de concurrence, lutter contre le dumping social, les subventions d’Etat…
- Dans le domaine de la culture, et alors même que l’UE a peu de compétences, ont été insuffles des dispositifs: depuis 2009 l’UE a permis la gratuité de l’entrée des collections permanentes des musées et monuments nationaux. D’autres initiatives comme la Nuit européenne du patrimoine et la Nuit européenne des musées. Par ce biais tout individu à la possibilité de partir gratuitement à la découverte de la culture des Etats membres et donc à la découverte de l’identité européenne.
- Si l’UE n’existait pas, la mobilité professionnelle en France serait moins aisée. Elle est favorisée aujourd’hui notamment par Europass, qui est un ensemble de documents permettant d’exprimer clairement ses compétences dans toute l’Europe afin de faciliter la mobilité des citoyens désireux d’étudier ou de travailler dans un autre pays européen. Il est disponible en 26 langues comporte 5 documents dont un CV permettant de décrire ses compétence et un supplément au diplôme qui assure une meilleure lisibilité des diplômes de l’enseignement supérieur. Depuis sa création en 2005, 54 millions de CV Europass ont été créés. Il serait plus difficile de se faire soigner dans un autre pays: la carte européenne d’assurance maladie, introduite en 2004 simplifie l’accès et la prise en charge des soins médicalement nécessaires lors d’un séjour dans un pays de l’Union européenne. Les prestations sont servies sur présentation de la CEAM dans les mêmes conditions que les assurés du pays de séjour. Les consommateurs seraient moins protégés. Au sein de l’UE, les pratiques commerciales trompeuses, telles la vente forcée ou la publicité déloyale sont interdites, des règles ont été édictées notamment en matière d’étiquetage et de traçabilité des produits, afin de favoriser la comparaison des prix ou en matière de clauses contractuelles abusives afin de protéger le consommateur. La Commission a mis par exemple en place l’accès à la justice et à la résolution alternative des conflits via le réseau extrajudiciaire européen (EJE). En 2005 les Centre européens des consommateurs ont été créés visant à conseiller et à informer les consommateurs sur leurs droits (14 jours pour renoncer à un achat sur Internet, droit de faire jouer la responsabilité du vendeur en cas de produit défaillant…). La lutte contre le terrorisme serait également plus compliquée sans le mandat d’arrêt européen, mis en place en 2002, et le système Europol, qui permet de coordonner les enquêtes.
Les apports de la citoyenneté européenne
Les ressortissants de l’UE ont le droit d’élire et d’être élus aux municipales, le droit d’élire des députés européen au SUD depuis 1979, un droit de pétition au Parlement, le droit de plainte au médiateur et le droit de contester l’action d’un Etat (contentieux préjudiciel et plainte pour manquement). Ils disposent également du droit d’initiative citoyenne européenne (ICE) depuis le traité de Lisbonne (article 11, paragraphe 4 TUE), qui crée un droit d’initiative populaire, en prévoyant la possibilité pour au moins un million de ressortissants d’un nombre significatif d’États membres d’inviter la Commission à soumettre une proposition d’acte juridique sur un sujet particulier, sans pour autant qu’elle soit dans l’obligation juridique de le faire. Ce nouvel instrument est un premier pas vers le développement d’une démocratie supranationale directe qui pourrait conduire à l’émergence d’une société civile européenne.Par exemple, pour l’année 2013, 14 initiatives sont en cours, dont « stop vivisection », « 30km/h-redonnons vie à nos rues » et « un de nous » (pour que l’UE interdise le financement des activités qui impliquent la destruction d’embryons humains). Pour autant, cette initiative, qui permet à des citoyens européens de participer directement à l’élaboration des politiques communautaires, demeure encore trop souvent inconnue et il convient de la valoriser et d’en expliquer les modalités.
L’UE est protectrice des libertés fondamentales, des droits individuels et collectifs.
Les acquis protégés par la Cour de Justice de l’Union Européenne et la Charte des Droits fondamentaux sont nombreux. La CJUE a jugé depuis l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft de 1970 que la protection des droits fondamentaux faisait partie intégrante des principes généraux du droit dont elle assure le respect. A cet égard, la Cour a considérablement contribué à l’augmentation des standards de protection de ces droits. De plus, la Charte des Droits fondamentaux de l’UE offre une protection ambitieuse (adoptée à Nice en 2000, rattachée au Traité de Lisbonne le 12 décembre 2007). Son champ est large, elle proclame la dignité humaine inviolable à son article 1 et elle pose la liberté d’expression à son article 11. Elle proclame également le droit de circuler et de s’établir librement sur l’ensemble du territoire européen à l’article 45.Elle interdit toute discrimination à son article 21, « fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, […] un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». Elle reconnaît enfin l’égalité entre hommes et femmes à l’article 23 qui « doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération.». Le droit dérivé protège également les libertés fondamentales. C’est par exemple le cas de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi ou la Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité qui affirme qu’elle « respecte les droits fondamentaux […] et vise en particulier à promouvoir le droit à la dignité, à la vie, à l’intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sécurité, au respect de la vie privée et familiale».
Cette protection tend à s’étendre : selon la base Eur-Lex, 145 règlements et 112 directives se référent aux droits fondamentaux avec une très nette augmentation du nombre d’occurrences à partir des années 2000.
Le respect des particularités de chaque Etat
« Unie dans la diversité » notre devise évoque bien le fait que l’Union Européenne respecte les Etats et leur système institutionnel dans leurs différences d’organisation, valorise les régions et l’échelon local. Cette construction politique n’a jamais détruit les cultures : l’identité d’un peuple est complexe, les très forts régionalismes en Espagne (Catalogne, Andalousie), Grande Bretagne (Ecosse, Angleterre), ou Belgique (Flandre, Wallonie), en sont la preuve. Au contraire, l’identité européenne se superpose, sans les gommer, aux appartenances régionales et nationales. Le sociologue Edgar Morin dans son ouvrage Penser l’Europe en 1987 a développé l’idée d’une pluri-identité, où l’identité européenne viendrait se superposer à une identité nationale et régionale. L’Europe permet la diversité y compris des modes de consommation, des produits avec les AOE bâties sur nos AOC françaises, etc
L’UE est organisée sur un modèle ultra décentralisé puisque ce sont les Etats qui mettent en œuvre l’essentiel des politiques européennes
L’Union contribue à la préservation et au développement de ces valeurs communes dans le respect de la diversité des cultures et des traditions des peuples de l’Europe, ainsi que de l’identité nationale des États membres et de l’organisation de leurs pouvoirs publics au niveau national, régional et local.
Rendre fier d’être européen : le partage de valeurs
Une meilleure conscience du haut niveau de démocratie sociale que porte le projet européen pourrait renforcer l’estime de soi des populations européennes et favoriser un sentiment citoyen européen. Il faut expliquer que le projet d’Europe transcende les notions de Nation, de race, de religion, d’Etat sans les éliminer. « Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes », disait Jean Monnet
Les Européens, et particulièrement les Français ne sont pas assez conscients que l’Europe est enviée de l’extérieur, parce qu’elle a réussi à bâtir une Communauté des peuples, à préserver la démocratie et la paix. Elle représente un idéal politique et un projet à bien des égards inégalable.
L’Europe des fondateurs est née d’une conception morale des relations internationales et a réussi à transcender les rivalités nationales et à mettre fin aux antagonismes séculaires par la gestion d’intérêts communs. Est-ce négligeable d’avoir construit et de maintenir une zone de paix et de droits de l’homme alors que la guerre est partout, que les droits sont reniés, que des femmes meurent lapidées, que des enfants travaillent à 8 ans? Est-ce négligeable d’avoir créé un espace de respect des diversités, porteur d’un message de tolérance à l’égard du reste du monde ? En effet, de l’étranger, l’Europe demeure un modèle : modèle d’échange, modèle de paix, modèle de solidarité et modèle de prospérité.
L’Europe est un plus et doit être perçue comme tel. Cela confronte à une obligation de pédagogie, à un travail de conviction et à la nécessité de simplifier le discours envers le public. L’éducation et la communication sont donc des clés. En outre, il faut tenir compte des différences entre générations de citoyens de l’Union pour communiquer et s’adapter selon les publics (marketing politique et segmentation des cibles). Par exemple, l’argument de la paix et de la stabilité ne parle pas aux jeunes.
Des préconisations pour le chantier prioritaire de l’ affectio societatis européen
Enseigner l’Europe à l’école
- Créer des cours de citoyenneté européenne dès le primaire, pour les plus jeunes. En histoire, élaborer un manuel avec une partie commune sur la construction européenne depuis 1957 mais aussi développer les aspects de notre histoire commune depuis Charlemagne et avant … (A décliner dans chacune des langues)
- Pour renforcer l’intérêt des citoyens à l’égard du projet européen, créer un équivalent de la « Bundeszentrale für Politische Bildung », géré conjointement par les ministères de l’éducation, ce dispositif aurait vocation à enseigner l’éducation civique européenne.
- Utiliser le matériel pédagogique existant de la Commission européenne-vidéos, le Jeu du site Europa « Europe Go » que personne quasiment ne connait.
- Systématiser les « classes Europe » comme il y a des classes vertes. A organiser, à partir des jumelages des communes-
- Séjour de 15 jours dans une école d’un autre pays (en 4è avant le secondaire)
- Renforcer le programme Comenius, qui permet de favoriser la coopération entre les établissements scolaires, de la maternelle au lycée, notamment dans le secondaire développer les échanges entre classes « Europe » trimestriels, et Leonardo, qui encourage les stages en situation professionnelle dans d’autres pays membres de l’UE.
- Intégrer au lycée dans le programme du Baccalauréat un enseignement transversal (éco-droit-sc.po) intégrant la construction de l’UE : aspects institutionnels, règles de droit et mécanismes, apports concrets, enjeux et défis de la mondialisation, place de l’Europe dans le monde… ; TPE sur une problématique historique, économique, culturelle apte à créer un lien entre les classes de trois ou quatre écoles européennes dont une d’Europe centrale et une d’Europe du sud.
- Développer de nouvelles activités associatives et extrascolaires. L’organisation d’activités culturelles, ouvertes sur la culture des autres Etats membres, pourrait s’avérer très enrichissante pour les écoles européennes.
- Créer un office européen pour la Jeunesse.
- Développer l’apprentissage des langues étrangères (maternelle anglais et dès le CM1 la seconde langue)
- Promouvoir le Service volontaire européen (SVE), mis en place en 1998 et qui a pour but de favoriser la compréhension mutuelle et d’encourager la citoyenneté active des jeunes européens via des actions de solidarité, sur la base d’un volontariat de deux à douze mois dans un pays tiers.
- Créer une année civile européenne à la fin des études secondaires, en s’inspirant du système allemand où beaucoup d’institutions publiques bénéficient du renfort de jeunes dans le cadre de services civiques. Une telle initiative pourrait renforcer la capacité d’adaptation des étudiants et ils pourraient également favoriser une plus grande compréhension des autres Etats membres et des institutions européennes.
- Développer le programme Erasmus, qui permet de renforcer le sentiment d’appartenance européen des étudiants bénéficiaires de ces programmes en leur proposant une immersion totale dans un pays européen pour une durée de six à un an. Plus de 3 millions d’étudiants ont bénéficié de ce programme depuis son lancement en 1987. Très populaire auprès des jeunes, Erasmus constitue indéniablement un symbole européen mais demeure assez élitiste. En effet, des efforts sur ce programme restent à accomplir au sens où moins de 10% d’une tranche d’âge en bénéficie réellement.
- Renforcer les programmes transfrontaliers à l’égard des jeunes pour créer un marché du travail commun, généraliser les initiatives du type MyEurope et surtout mieux informer de l’existant.
Communiquer autrement
Ce sentiment de distance à l’égard de l’Union tient à la difficulté des institutions à se faire connaître et accepter alors que les médias ne leur accordent qu’une place congrue dans leurs journaux.
- Parler d’Europe dans les journaux gratuits (type Metro), via l’achat d’espace par l’UE pour Solvit, Europe direct, etc. Ces insertions d’articles dans les journaux gratuits à très large public pourraient promouvoir des réalisations de l’UE en touchant directement les citoyens.
- Dans tous les JT 5mn sur l’Europe chaque soir : parler de l’UE à l’international (valeurs, positions en PESC, prises de position du PE, aspects concrets locaux…)
- Rendre systématique une météo européenne sur les chaines nationales
- Diffuser une émission courte sur les radios et les chaînes de télévision grand public sur des sujets du quotidien avec un leitmotiv du type l’Europe près de vous en mettant en avant des réalisations concrètes. Prendre exemple sur l’émission « Accents d’Europe » sur RFI qui aborde les aspects de la vie quotidienne des européens ou l’émission « Question d’Europe » sur France Inter.
- -Créer des émissions populaires et jeux avec des équipes européennes : émission grand public en s’inspirant de l’émission Union libre sur France 2 à la fin des années 90 avec des chroniqueurs qui représentent chacun un pays différent de l’Union européenne et présentent une particularité ou une nouveauté de leur patrie. Cette émission a connu un franc succès, preuve que l’Europe intéresse les téléspectateurs si des programmes adéquats leurs sont proposés.
- Créer les Guignols de l’Europe pour que les personnages politiques de l’UE soient plus familiers
- Promouvoir la dimension culturelle car c’est quelque chose qui parle à tout le monde (musique, art, sport…). Par exemple, appliquer le modèle du Concours Eurovision de la chanson dans d’autres domaines artistiques ou sportifs. Ce concours de chant annuel européen très populaire est un vecteur explicite d’une identité européenne puisqu’il est retransmis par la télévision à travers l’Europe et rapproche les citoyens autour d’une même passion.
- Organiser les « Rencontres trimestrielles de la presse européenne ». L’Union européenne est souvent mal expliquée dans les articles disponibles dans les médias nationaux. Pour favoriser une plus grande connaissance mutuelle des différentes Etats membres, il serait utile d’inviter les journalistes européens à se rencontrer dans le cadre de manifestations médiatiques trimestrielles.
- Créer une Agence de presse européenne. Cette agence faciliterait la diffusion des informations relatives à l’Union européenne dans l’ensemble des Etats membres. Elle garantirait ainsi une plus grande cohérence de l’information, en complément, bien entendu, de la diversité des médias nationaux.
- Développer l’éducation aux médias. Les nouveaux outils de communication, comme Internet, permettent une diffusion plus importante, voire en instantané, de l’information. Cependant, il serait utile d’éduquer les enfants et les personnes âgées à l’usage de ces nouveaux outils, afin de renforcer leur esprit critique.
- Créer une application pour smartphones ludique afin de promouvoir l’UE, qui pourrait s’appeler Eurappli. Elle s’appuierait sur des exemples concrets, par exemple si la plage voisine est plus propre de X% grâce aux critères environnementaux de l’UE ou combien l’UE permet d’économiser en réduisant des frais de téléphonie mobile. L’idée est, en s’adressant à la génération numérique du XXIe siècle, de vendre l’Europe auprès du grand public en décrivant la façon dont elle touche la vie quotidienne des citoyens et de promouvoir ce que l’UE fait pour eux.
Développer les Symboles
- Renforcer le sentiment d’identité européenne et éveiller un « désir d’Europe » (Pascal Lardellier) par l’usage de symboles. Si l’Europe est en mal de légitimité et de popularité, c’est en partie parce qu’elle reste trop abstraite pour la grande majorité des citoyens européens. Elle souffre d’un déficit d’image et d’un imaginaire qui fasse rêver. C’est en suscitant l’émotion et la solidarité qu’il est possible de faire émerger un sentiment de citoyenneté européenne. Il s’agit d’oublier le jargon technocratique incompréhensible pour les citoyens et de le remplacer par des grandes idées capables de donner aux européens des symboles et des objectifs qui éveillent les émotions, de l’attachement et de la solidarité afin de rassembler les citoyens autour d’un projet.
- Instaurer le 9 mai jour férié avec des cérémonies publiques partout en UE à la place du jour férié historique rappelant la guerre. La journée de l’Europe du 9 mai est choisie en l’hommage de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950, considérée comme l’un des actes fondateurs de la construction européenne. Le devoir de mémoire permettrait de fédérer les citoyens européens autour d’un passé commun et de valeurs partagées. Donner « un sens festif » aux manifestations organisées par l’UE afin de rapprocher les Européens.
- Former une armée commune. L’opinion publique s’étonne de voir les Etats Membres agir en ordre dispersé, sans réel front commun (cf intervention au Mali, l’UE a refusé d’intervenir et n’apporte qu’une aide de formation). De plus, elle permettrait aux Etats membres de dépenser mieux, en mutualisant leurs efforts et en organisant leur industrie de défense en fonction de leurs besoins collectifs.
- Décliner le sport « à l’européenne », selon plusieurs formules : créer une équipe de foot européenne avec un maillot unique, sur le modèle de l’équipe européenne qui existe déjà pour le golf avec la Ryder Cup.Pour les Jeux olympiques-hymne national + hymne européen/ drapeau national + drapeau européen- nombre de médailles Europe cité. A maxima pourquoi ne pas faire des Jeux Olympiques avec une équipe européenne ?
- Créer une Carte nationale d’identité avec le logo de l’Europe, comme c’est déjà le cas sur le passeport. Le passeport européen a clairement contribué à renforcer le sentiment d’appartenance des ressortissants de la Communauté. Le fait que où, sur la couverture, la mention « Union européenne » est indiquée avant la mention « République française » est significative d’un projet d’Union des peuples. Aussi, la carte d’identité européenne pourrait être, comme le passeport européen aujourd’hui, un symbole civique qui évoque l’idée d’une citoyenneté européenne complémentaire de la citoyenneté d’un des 27 Etats Membres.
- Rédiger un code civil européen, il permettrait l’apparition d’un véritable espace européen de la justice. Il impliquerait pour les citoyens un meilleur accès à la justice en Europe et une meilleure prévisibilité juridique. Cela faciliterait de surcroît une reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et une convergence accrue en matière de droit civil.
- Systématiser la présence du drapeau européen sur tous les ministères et institutions publiques. Le drapeau européen est en effet l’étendard du projet européen et renvoie à l’idée d’Europe unie. Constitué d’un cercle de douze étoiles, le cercle représente la solidarité et l’harmonie entre les peuples, l’étoile la liberté, l’espoir et le renouveau et le chiffre symbolise la perfection et renvoie aux racines judéo-chrétiennes de l’Europe. Il incarne un symbole auquel les peuples européens peuvent s’identifier. Par conséquent, sa présence systématique permettrait de concrétiser l’appartenance à l’UE et de renforcer l’image et l’identité de l’Union.
- Associer des paroles à l’hymne européen. Les citoyens ont des difficultés à s’approprier L’Ode à la Joie de Beethoven dans le sens où, pour qu’il fédère une communauté, un hymne doit être chanté et donc avoir des paroles. Le poème de Schiller, prônant l’amitié des peuples et traditionnellement associé à la musique de Beethoven, pourrait être associé à l’hymne.
- Diffuser les films en langue originale sous titres
Rendre l’Europe plus proche des citoyens
- Mentionner systématiquement la participation des Fonds européens dans les projets en région et le co-financement projet de recherche etc. comme c’est à priori prévu.
- Mettre en valeur le travail des Maisons de l’Europe, relais entre les citoyens et l’Union européenne.
- Statut d’Association européenne. La création d’un statut d’association européenne transnational est une revendication de longue date d’associations des États membres. Les associations sont des acteurs clefs pour favoriser la citoyenneté active et la démocratie participative.
- Développer la mobilité des jeunes européens afin de leur insuffler le sentiment qu’ils vivent et évoluent dans un espace désormais plus européen que national. Il est par exemple possible d’étendre le projet Erasmus en créant des équivalents pour les jeunes professionnels.
- Créer une carte de réduction commune pour les trains. A l’instar de la « carte 12-25 » de la SNCF, une carte européenne de réduction pour les trains serait un symbole fort auprès des jeunes européens pour les inciter à mieux connaître l’Europe.
- Développer un Pôle emploi européen. La plateforme EURES, permettant une mise en ligne de nombreuses offres d’emplois réparties dans les différents Etats membres, joue un rôle décisif. Mettre en place une structure européenne chargée de l’emploi avec des représentations dans l’ensemble du territoire européen.
- Utiliser le rapport sur la citoyenneté de l’Union de 2013 de la Commission Européenne, qui fait un état des lieux précis des obstacles auxquels les citoyens de l’Union se heurtent au quotidien dans l’exercice de leur droit à la libre circulation.
Les 12 propositions, dont :
- Supprimer les obstacles pour les travailleurs, les étudiants et les stagiaires dans l’UE : en envisageant d’étendre, au-delà des trois mois obligatoires, le droit dont bénéficient les demandeurs d’emploi de percevoir des indemnités de chômage de leur pays d’origine pendant qu’ils cherchent un emploi dans un autre État membre de l’UE, afin d’accroître la mobilité des travailleurs; et en définissant un cadre qualitatif pour les stages, qui précise les droits et obligations des parties, pour garantir que les stages ne soient pas utilisés comme une forme d’«emploi non rémunéré ». Ainsi, la définition de nouveaux critères communs à tous les Etats membres, voire une harmonisation totale de la réglementation encadrant les conditions d’exercice et de rémunération des stages ou des premiers emplois, serait la bienvenue pour favoriser l’insertion des jeunes, encourager la mobilité et réduire les inégalités entre Etats.
- Protéger les plus vulnérables dans l’UE en élaborant une carte européenne d’invalidité bénéficiant d’une reconnaissance mutuelle dans toute l’Union, qui permettrait aux 80 millions de personnes handicapées de profiter également des avantages liés aux cartes nationales correspondantes (par exemple, l’accès aux transports, au tourisme, à la culture et aux loisirs) lorsqu’elles exercent leur droit à la libre circulation
- Supprimer les obstacles aux achats effectués dans l’UE en œuvrant à la conception d’un outil en ligne qui rende l’acquisition de produits numériques plus transparente et permette aux citoyens de comparer les offres à l’échelle de plusieurs pays.
- Favoriser la disponibilité d’informations ciblées et accessibles sur l’Union européenne en mettant des outils de formation en ligne à la disposition des administrations locales et en fournissant des informations, adaptées aux besoins des citoyens, sur les interlocuteurs auxquels s’adresser pour résoudre leurs difficultés.
- Renforcer la participation des citoyens au processus démocratique en permettant aux citoyens de l’Union de conserver leur droit de vote aux élections nationales dans leur pays d’origine.
Faire connaitre des dispositifs mis en place pour rapprocher l’Union européenne du terrain
- Une question : Europe direct 00 800 67891011 (gratuit et dans votre langue) ou par mail /400 relais locaux en Europe- En France voir sur le site de la Commission (Bld St Germain à Paris)
- Résoudre une entrave technique au développement de vos activités (taxe discriminante, équivalence de diplômes, norme nationale) : le site Solvit
- Contacter les fonctionnaires en charge d’un dossier : à repérer sur les organigrammes sur Europa par activités puis : Prenon.Nom@ec.europe.eu
- Contactez vos députés : repérer par nom ou région sur le site du PE puis : prénom.nom@europarl.eu
- Renforcer le programme « l’Europe pour les citoyens » qui soutient des projets promouvant la « citoyenneté européenne active », c’est-à-dire la participation des citoyens dans le processus d’intégration européenne. Ce programme s’articule notamment autour des activités qui font intervenir les citoyens européens afin de les rapprocher pour qu’ils partagent et échangent leurs expériences, leurs opinions et leurs valeurs. C’est le cas dans le cadre de jumelage de villes avec l’organisation de rencontres de citoyens de villes jumelées.
Plus de citoyenneté politique
- Donner le droit de vote pour toutes les élections aux ressortissants européens habitant dans un autre Etat membre. La citoyenneté européenne ne peut être pleinement ressentie et exercée sans créer la possibilité, pour les citoyens européens établis durablement dans un autre Etat membre, de pouvoir participer à toutes les élections organisées dans ce même pays.
- Repenser la Représentation Permanente de la France auprès de l’Union européenne qui travaille sous le SGAE sous l’autorité du 1er ministre. Elle devrait être dirigée par un ambassadeur ayant mandat de Ministre des Affaires Européennes. Les réunions affaires européennes générales devraient être hebdomadaires à Bruxelles et relayées dans les médias.
- Trouver des leaders pouvant parler d’Europe : l’Union souffre de la pusillanimité des dirigeants politiques à défendre devant l’ opinion publique les apports de la construction européenne et la nécessité d’aller plus loin. Le besoin de « plus d’Europe » est urgent et l’Union a besoin de leaders se faisant les ardents défenseurs de ce projet, qui expliqueraient à leurs électeurs les avantages de l’appartenance à l’Union et à l’euro et pourquoi il faut attribuer plus de compétences, avec le scrutin démocratique correspondant, aux institutions européennes. Nous avons besoin d’un débat public sur l’avenir de l’Europe. L’Union européenne a parfaitement réussi l’organisation de débats associant la société civile sur les questions relatives au Marché Intérieur avec la pratique systématisée des consultations ouvertes sur le web, des livres verts, des auditions publiques, l’écoute des thinks tanks. Il est temps que l’équivalent soit fait dans la sphère politique autrement dit que les partis politiques débattent, notamment à l’occasion des élections européennes. Responsabiliser le discours des politiques et associer les citoyens au débat
Conclusion
Ces actions ne doivent pas éluder le débat de fonds sur une Europe plus intégrée.
L’UE souffre d’un manque de légitimité démocratique, depuis la Déclaration de Laeken du 15 décembre 2001 peu de choses ont avancé.
Plusieurs mesures institutionnelles pourraient être actées sans une révision des Traités (une présidence de l’Union unique fusionnant Commission Conseil européen, la redéfinition prévue du collège de la Commission européenne, instaurer au sein du Parlement européen une Commission EURO, obliger les partis politiques à avoir une campagne avec un réel contenu européen, élaborer des listes européennes, soutenir la constitution de vrais partis politiques européen puisque le statut existe.
Viviane de Beaufort, docteure en droit, co-directrice du cursus en droit et du Centre Européen de Droit et d’Economie de l’ESSEC Business School.
Viviaine de Beaufort a fondé et dirige les programmes Women ESSEC et anime notamment le groupe Administratrices et Dirigeantes de l’ESSEC sur LinkedIn.
Quelques références bibliographiques
- Politique européenne : Etats, pouvoirs et citoyens de l’UE, Manuel, Sciences-Po et Dalloz, 2010 (Y. Bertoncini, T. Chopin)
- Florence Chaltiel, « La citoyenneté européenne », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel n°23 (2007, Dalloz)
- L’Europe : défaite ou défis, G. Le Bail, Editions Fortuna, 2013
- Citoyennetés nationales et citoyenneté européenne, Parisot Françoise – Hachette -1998
- Rapport sur la citoyenneté de l’Union de 2013, Commission européenne
- L’opinion publique dans l’Union européenne, juillet 2013, Commission européenne
- Rapport Schuman sur l’Etat de l’Europe 2013
- Fondation Robert Schuman, Question d’Europe, avril et mai 2013
- Le Monde, 25 avril 2013, dossier Europe : les remèdes
- Conférence Faut-il être fier d’être européen ?, 14 mai 2013, Maison de l’Europe de Paris par le professeur Viviane de Beaufort pour l’Atelier de la République
- www.touteleurope.eu