Au fil des années, le déni dominant de la gravité de cette bascule dans un environnement où les gouvernants ne sont plus à même de prévenir et réfréner cette descente aux enfers en garantissant le bon fonctionnement des domaines régaliens, est probablement une des raisons principales pour lesquelles il est si difficile de renverser cette tendance mortifère et de restaurer la confiance dans des institutions qui ne parviennent plus à assurer l’ordre et la sérénité nécessaires pour garantir la pérennité d’un vivre ensemble acceptable et durable et pour éviter de sombrer dans le chaos.
Le refus de voir et de nommer les faits pour ce qu’ils sont, la confusion volontaire entre le sentiment d’insécurité et la réalité implacable de ce qu’elle est en masquant l’augmentation des activités délictuelles et criminelles, l’absence de réponse pénale immédiate – en tout cas rapide -, proportionnelle et adaptée au phénomène de société qu’est devenue cette violence incarnée symboliquement dans la multiplication des attaques au couteau, ont peu à peu transformé des cités, métropoles ou villes plus petites, et des territoires entiers en zones de précarité existentielle intolérable, où la moindre étincelle peut déclencher à terme l’implosion et générer des situations qui finiront par ne plus être maîtrisables, à l’instar de ce que l’on peut observer dans d’autres pays de par le monde où la défaillance chronique de gouvernance, combinée à la faillite économique, a débouché sur la disparition pure et simple du droit au profit de la force brutale et de la régression voire la disparition des règles élémentaires de la vie en société : Haïti par exemple « in articulo mortis » à tous les sens du terme, livrée à l’arbitraire de bandes armées dans l’indifférence quasi générale de la communauté internationale… Est-ce là le sort qui nous guette dans un avenir plus ou moins proche si on ne réagit pas avant qu’il ne soit trop tard, ce qui pourrait héla déjà bien être le cas ? On peut légitimement se poser la question dans la France d’avril 2024 en dépit des opérations « Places nettes » et autres multiples tentatives, artifices de communication, annonces tonitruantes de Grenelle contre l’hyper violence, « internats éducatifs », peu importe le vocable, autant de coups d’épée dans l’eau in fine, quand la récurrence des échecs pour pallier la descente aux enfers s’inscrit hélas dans la réalité et la durée.
De Crépol à Grande-Synthe en passant par Montpellier ou Viry-Châtillon, jamais on n’aura enregistré, dans un délai aussi rapproché et hors période de guerre ou troubles sociétaux majeurs, une telle succession de drames d’autant plus perturbante qu’elle concerne et frappe la partie la plus jeune de la population, dessinant par là-même un futur effrayant dans un pays en proie à une crise de décomposition avancée, fracturé avec des pans entiers qui divergent et se rapprochent chaque jour un peu plus de la confrontation entre communautés, sans que sa représentation politique et ses dirigeants n’arrivent à reconstruire une cohésion digne de ce nom et à enrayer ce qui ressemble à un suicide collectif. La violence, sous forme d’agressions à l’arme blanche ou de lynchages mortels perpétrés par des individus notoirement immatures et incapables du moindre discernement entre le mal et le bien, est devenue sinistrement banale au fil de l’actualité quotidienne dans une sorte de spirale où l’horreur se mêle à l’effroi, la déraison et la folie l’emportent sur les principes les plus élémentaires de respect de l’intégrité et de la vie d’autrui, les valeurs s’inversent au profit d’une barbarie sans bornes et débouchant sur la mort.
C’est une faillite sans nom ni retour possible, si la volonté politique n’est pas au rendez-vous pour changer de logiciel, de fond en comble et avec le sens de l’urgence requise devant la gravité du péril.
On est désormais au delà de la question de savoir comment on a pu en arriver à une telle situation et à quelle cause principale il faut l’imputer pour la bonne raison qu’on la doit à une combinaison de multiples facteurs qui vont de la démission générale, la fuite devant leurs responsabilités de ceux qui devraient exercer l’autorité et donner l’exemple, les parents en premier lieu, les systèmes éducatif, judiciaire ensuite, à l’échec de l’intégration de segments entiers de populations immigrées de date récente, pour lesquelles le mode de vie français de référence ne parle pas et n’offre plus aucune perspective de véritable promotion et protection. Les conditions d’accueil des migrants sont inadaptées aux flux actuels, lamentables en termes de moyens et capacités d’absorption et force est de constater que le contrôle réel des entrées n’existe pas, ni au niveau de l’Union européenne ni à l’échelon national. Sur fond d’inégalités de plus en plus criantes entre ceux d’en haut, « les premiers de cordée » et ceux qui ne sont rien, de crise économique et de banqueroute généralisées en puissance dans un environnement international d’une extrême volatilité où les conflits s’exportent et des causes politiques légitimes ou non sont dévoyées pour alimenter des objectifs moins avouables de conquête du pouvoir à travers le chaos, le cocktail est pour le moins explosif et notre « cher et vieux pays », carrefour migratoire de longue histoire au sein de l’Europe, figure au premier rang des cœurs de cible d’une vaste offensive d’abord de déstabilisation puis de destruction des valeurs traditionnellement associées au monde occidental. Entrisme et terrorisme islamistes, orchestrés par un nouvel axe totalitaire redoutable avec la menace de l’arme nucléaire, sapent les fondements de nos démocraties et la violence en est somme toute une des facettes de plus en plus prégnante à laquelle nos sociétés vulnérables finissent par se résigner comme si c’était désormais une fatalité inéluctable. La résurgence de l’antisémitisme sous couvert de défense de la Palestine illustre à titre d’exemple l’ampleur de cette violence qui ravage à l’échelle planétaire les sociétés démocratiques, infiltrant les campus universitaires américains comme celui de Columbia où les étudiants juifs sont contraints de renoncer à suivre les cours par crainte pour leur vie, sordide fruit de l’idéologie woke qui dresse les communautés les unes contre les autres outre-Atlantique, malheureusement exportée en Europe.
La France n’est pas épargnée par ce mal qui pourrit jusqu’au débat politique national et jette une lumière inquiétante sur la campagne des élections européennes.
A Pointe-à-Pitre, sous-préfecture et pôle économique de la Guadeloupe, en réponse à l’appel désespéré de son édile devant l’insécurité grandissante et la délinquance juvénile sur fond de trafic de drogue qui gangrènent cette cité dont le cœur pimpant (la place de la Victoire et ses abords) n’est pas sans rappeler aux voyageurs et touristes de métropole et du monde entier, l’architecture ancienne de la Nouvelle-Orléans en Louisiane, on vient d’ instaurer le couvre-feu pour les mineurs de 20 heures du soir à 5 heures du matin. D’autres villes de France annoncent leur intention de franchir le pas pour essayer d’enrayer la dérive d’une jeunesse qui a perdu ses repères depuis trop longtemps. Le grand poète, prix Nobel de littérature, éminent diplomate et témoin de la course vers l’apocalypse de la Deuxième Guerre mondiale aux premières loges de la signature des Accords de Munich aux côtés d’Edouard Daladier, Saint-John Perse, natif de Pointe-à-Pitre, avait écrit à l’occasion d’un hommage rendu à son mentor politique, Aristide Briand, une phrase digne de méditation par les temps qui courent : « La démocratie plus qu’aucun autre régime exige l’exercice de l’autorité… ». Rien n’a jamais semblé plus vrai dans le délétère contexte actuel si on ne veut pas se retrouver « in articulo mortis », victime de ces maux qui détruisent inexorablement l’essence vitale de notre pays.
Mais la force des faux diagnostics et des erreurs d’analyse distillés à longueur d’interventions dans les médias et partagés au sein des instances de pouvoir, (« oisiveté » des mineurs pendant les émeutes du début de l’été 2023, incrimination des réseaux sociaux et des écrans qui ne sont que des vecteurs et non les causes du naufrage, « décivilisation » de qui, de quoi ? etc…) les formules à l’emporte-pièce répétées ad nauseam tristement dérisoires comme celle de cette fameuse « main qui ne tremblera pas », les faux-semblants et discours creux de la macronie aux manettes depuis 7 ans et de ses alliés qui s’abritent derrière un simulacre de sursaut trop tardif, ont malheureusement raison de tout ce qui pourrait s’apparenter à une vraie restauration de l’autorité pour conjurer la délétère situation actuelle. Semaine après semaine, l’actualité est caractérisée par une succession de marches blanches pour déplorer des morts injustes et prématurées, spectacle de désolation où la lourde peine de familles éprouvées nous renvoie l’image d’une société victime de ses failles accumulées et de l’inaction (devrait-on dire l’impuissance ?) de ses dirigeants au fil de l’eau… Le réveil risque d’être d’une brutalité phénoménale, faute de stopper la chute qui nous entraîne au fond du gouffre, dans un monde lui-même en passe de basculer dans le chaos généralisé.
Si la confrontation entre Israël et l’Iran n’a pour l’heure pas dérapé dans l’irrémédiable, et si le Congrès des États-Unis a fini par consentir une aide additionnelle à l’Ukraine, les facteurs de tensions et d’escalade restent intacts et toujours aussi anxiogènes et préoccupants.
Des échéances et résultats électoraux cruciaux restent déterminants pour l’avenir du monde : Inde en ce moment, États-Unis en novembre…
Pour la France, il est clair que le 9 juin, 3 jours après le 80e anniversaire du début de la Libération, les électeurs auront l’occasion unique avant 2027 d’envoyer un signal fort de leur volonté ou non de changer l’orientation de leur destin et de dire ce qu’ils attendent de l’Europe, d’exprimer par leur vote l’inflexion qu’ils entendent lui voir prendre, mais pas seulement. L’heure est grave et l’état de la maison France trop endommagé pour ne pas attendre de cette échéance l’espoir d’un changement de cap véritable, l’exigence d’un redressement nécessaire en redessinant peut-être les contours d’un futur moins sombre que celui qui se dégage des drames survenus de Crépol à Grande-Synthe. Il est plus que temps de s’éloigner de l’article de la mort en inversant la spirale du renoncement et de l’abdication, et de s’attacher collectivement à restaurer l’autorité garante de survie pour notre démocratie en danger. Débattre en transparence des projets de société, vouloir, agir, reprendre le contrôle à travers le vote et la voie référendaire sur les sujets majeurs pour l’avenir du « cher et vieux pays », toute chose qui devrait aller de soi si enfin on décidait de se réveiller du cauchemar ambiant…