L’élection, le 24 mars dernier, du cinquième président du Sénégal, en la personne de Bassirou Diomaye Faye, est venue confirmer, avec force et vigueur, l’appétence pour une Afrique souveraine, gage de son intégration, de plein pied dans l’émergence de relations internationales plus équilibrées et respectueuses, entre un Occident en crise d’identité et un Sud « global » en quête de nouveaux repères diplomatiques.
Le premier tour de l’élection présidentielle, prévue au Tchad, le 6 mai prochain, qui voit le pays sortir péniblement d’une transition politico-militaire, depuis la mort d’Idriss Déby Itno, en avril 2021, devrait confirmer cette tendance d’un néo-panafricanisme vertueux quoique exigeant vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, en premier lieu desquelles, la France.
La solide campagne menée par le Premier ministre tchadien, Succès Masra, viendra très certainement confirmer, par les urnes, ce que les armes avaient suggéré, depuis 2020, au Mali, au Burkina-Faso, au Niger, et en Guinée, voisins : les Africains en se choisissant ainsi leur destin nous imposent de nous adapter, vue d’Europe, à cette nouvelle psychologie sociale inhérente aux états partenaires sub-sahariens.
Il peut sembler paradoxal que des coups d’état militaires voués aux gémonies, par certains soient ainsi érigés en « parangon » démocratique par d’autres, ou à défaut, compris, comme des vecteurs d’alternance politique, comme ce fut, notamment le cas, en Guinée, en septembre 2021 avec le putsch mené par Mamady Doumbouya, face à un Alpha Condé, en passe d’entamer un troisième mandat, autant inconstitutionnel qu’impopulaire.
Pourtant, le parallèle entre ces « écueils » et « réveils » démocratiques peut sembler plus aisé, surtout quand on pense aux convergences que cela révèle. Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, son premier ministre, Ousmane Soko et son parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), tout comme le premier ministre tchadien, Succès Masra et de son parti des Transformateurs, aspirent à mettre, au premier plan, de leur nouvelle offre politique, la question de leur identité politique progressiste et réformatrice, trop longtemps mise sous le tapis dans leurs pays respectifs, voire dans une large portion du continent africain.
Cette nouvelle donne politique, confirme plusieurs réalités qui s’imposent tant aux Africains qu’aux Européens.
La première est l’évidente fatigue des communautés économiques régionales, en premier lieu desquelles, la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) incapable d’anticiper les mouvements sociaux tectoniques qui ont fait vaciller quatre de ses 15 membres (Guinée, Mali, Burkina-Faso et Niger) ces quatre dernières années. La pusillanimité de la CEDEAO à « ramener » la démocratie au Niger, dans la foulée du coup d’état du 26 juillet dernier, conforte l’idée d’un enkystement mortifère des chefs d’états qui, en dénaturant le Traité de Lagos de mai 1975, ont largement contribué à démonétiser l’institution auprès des peuples des pays qui la compose.
La seconde, subséquente, confirme l’anachronisme des « offres » politiques et partisanes, nées, pour la plupart, dans la foulée des indépendances soixantenaires. Le Pastef sénégalais et Les Transformateurs tchadien, n’ont respectivement, que dix et huit ans d’existence. Cela ne les pas empêchés de bouleverser profondément le paysage politique dans leurs pays respectifs, confirmant par là-même, l’ardent désir d’une nouvelle offre politique qui s’affirme partout sur tout le continent. L’interdiction inique des partis politiques au Mali, confirme la peur manifeste que peut susciter cette espérance, notamment auprès d’une jeunesse, davantage consommatrice qu’actrice de cette nouvelle donne politique.
Enfin, la troisième réalité qu’imposent les changements politiques profonds en cours confirme, sur le continent africain, comme un peu partout dans le monde, le retour de la souveraineté et la prégnance de l’Etat, débarrassé de ses scories népotiques et kleptocratiques , comme gage de réelle identité nationale fédératrice.
Nulle surprise, dès lors, à voir, enfin, émerger sur le continent européen, des affinités politiques et idéologiques qui confirment, aussi, la maturité de l’offre politique continentale.
Il en est une, celle de l’Internationale démocrate et centriste, prochainement réunie, à Paris, qui vient confirmer la prégnance du réformisme, du libéralisme, de la démocratie sociale, comme gage d’une nouvelle génération de responsables politiques, à la fois exigeants dans leurs rapports à leurs alter-égo occidentaux et européens et surtout désireux, de renouer et renforcer les passerelles idéologiques qui fondent nos identités mutuelles.
Le cas du Cap-Vert, où se pratique, l’alternance et la cohabitation, dans l’intelligence et la responsabilité deux principales formations politiques, chacune mues par des idéologies structurantes depuis l’indépendance du Portugal, en 1975, vient confirmer que souffle d’Ouest en Centre du continent africain, le désir de conjuguer démocratie représentative, développement économique et stabilité sécuritaire.
Emmanuel DUPUY, Secrétaire national Les Centristes en charge des questions de défense, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)
Luis Filipe TAVARES, vice-président du Mouvement pour la Démocratie (MdP), ancien ministre des Affaires Etrangères et ancien ministre de la Défense du Cap-Vert