Pour Jacky Isabello nos erreurs concernant la crise de la Covid-19 se sont pas sanitaires mais de nature philosophique. Explications.
Comme aimait à le décrire Bernard Stiegler, le philosophe disparu cet été, la pensée occidentale s’est longtemps confrontée, et continue à le faire, entre une vision apodictive, en tant qu’elle se construit de manière démonstrative, vraie de quelque endroit on se situe, dont l’emblème est la chose mathématique brandie par Platon dans un ultime slogan gravé au frontispice de son Académie, lieu de formation des philosophes, « Nul ne doit entrer sous mon toit, s’il n’est géomètre ». C’est-à-dire, nul ne doit s’introduire ici, s’il n’est juste. Car la géométrie est égalité et justice dans la pensée platonicienne qui est l’arc-boutant de la réflexion de toute la sphère occidentale. Confrontation disais-je avec une autre vision, dite anamnésique, celle qui comme Socrate trouve la vertu, et non l’enseigne, en se remémorant. Une vision de la pensée qui connait ses limites et qui se fonde en substance par l’intermédiaire de la tradition reposant, disons-le, sur des croyances archaïques (au sens grec du terme et non actuel : désuet) ! C’est cette pensée de l’exactitude qui trace sa lignée entre le Platon auteur de « la République », Descartes, son Discours de la Méthode et Kant, auteur du très difficile d’accès « Critique de la raison pure ». Pensée rattrapée par l’actualité et mise en défaut par les problèmes auxquels furent confrontés la classe dirigeante à l’occasion de cette crise sanitaire de la Covid.
Nous avons analysé la situation avec abus de rationalité et pêché par orgie de certitudes.
Bien malgré nous pauvres ignorants, cela fait des centaines d’années que fermentent la crise de ce mode de pensée et explique en partie nos plus graves erreurs dans cette crise !
Covid, faire tabula rasa des incertitudes grave erreur !
Attribuée à Descartes mais de fait utilisée pour la première fois par Platon, cette notion de table rase qui a été faite des incertitudes autour de la pandémie, dévoile en partie la situation de crise qui crispe le monde et oppose les opinions publiques de très nombreux états. Dès le mois de février les experts de la communication ont alerté sur ce point rappelant que l’Organisation mondiale de la santé donne une place essentielle au principe d’incertitude dans ses documents relatifs à la communication du risque pendant les urgences sanitaires. Le Coronavirus faisant partie des situations concernées. Alors que l’incertitude trouve sa place auprès des experts, qu’ils soient économistes ou médecins, en tant que facteur lambda d’une crise, elle fracture les organisations sociales et crée de l’anomie dans nos sociétés de l’opinion. Or derrière les discours guerriers de la classe politique, « nous sommes en guerre » prononcé par le Président Macron le 16 mars jour de notre mise en confinement il y avait des coups de menton de la part de celui qui fut ministre dans le gouvernement du maitre de l’exercice, Manuel Valls, mais trop peu d’humilité face à l’exceptionnalité de l’événement. En guerre contre qui ? La Covid quel numéro de téléphone ? Quelle mère de famille s’invitera au 20h des chaines de télévision pour pleurer la mort de son virus de fils anéanti par un médicaments administré par un médecin français. Ridicule !
Lorsque surviennent des problèmes sanitaires, l’OMS par l’intermédiaire de son département Gestion des risques infectieux recommande avant tout de renforcer la confiance. A ce titre il est déterminant de communiquer en toute transparence sur les incertitudes : « Les messages diffusés par les autorités à l’intention de la population devraient inclure des informations explicites quant aux incertitudes associées aux risques, aux événements et aux interventions, et préciser ce que l’on sait et ce que l’on ignore à un instant donné. ». Pourquoi ? Parce que se tromper avec arrogance affaibli la confiance accordée. Interdire le port du masque en le déclarant inutile ; l’autorité qui est conférée par le statut de ministre, de Président de la République lorsqu’ils apparaissent à la télévision suffit aux Français dans leur foyer pour croire ; sapera les fondements de la confiance lorsque la consigne se contredira. A cela s’ajoute le renouvèlement des palinodies à propos des tests etc.
Oust… à l’incertitude et aux sceptiques
Aussi étonnant que cela puisse paraître l’auteur de « je doute donc je suis » prouvant ainsi qu’en pensant il démontrait son existence authentique est le représentant d’une école dite du rationalisme c’est-à-dire le primat de la raison dans l’activité intellectuelle et morale. La subordination aux règles méthodologiques de l’auteur du discours de la méthode est admise comme féconde dans la mesure où elle permet de découvrir la vérité dans chacun des domaines concernés. Rien que ça ! L’entreprise cartésienne de construction rationnelle du savoir se conçoit à partir de l’intégration et de la correction du scepticisme de Montaigne. Le but de Descartes est de répondre définitivement au scepticisme. Le scepticisme représente en effet l’incertitude dans laquelle les connaissances humaines sont immergées. C’est pourquoi il est impératif pour commencer à philosopher avec certitude de surmonter définitivement cet obstacle.
L’idéal cartésien est donc d’introduire en morale comme dans les autres sciences une rupture définitive entre le probable et l’absolument certain, de telle sorte qu’il n’y ait plus une différence de degré entre l’incertitude et la certitude, mais une différence de nature.
Plaçons-nous un temps devant la télévision pour s’apercevoir que l’incertitude n’a pas bonne presse lorsqu’on se définit en tant qu’homme politique. Douter raisonnablement ou bien alléguer avec lyrisme et certitude un flot de sottises qui sera submergé par d’autres déclarations, quelles sont les attitudes majoritaires apparaissant sur nos écrans ? Nous en venons par ne plus supporter la « métriopathie » de très nombreux scientifiques télévisés, c’est-à-dire la disposition par laquelle on modère les passions, une idée chère à Montaigne de modération dans la manière de vivre dont l’opinion publique ne veut plus.
Pourtant alors que la peur nous fait quémander plus de certitude, notre Edouard Philippe descendant de Montaigne aura incarné cette modération, le seul dans la classe politique à avoir fait de cette attitude sa marque de fabrique. Plutôt l’un des rares restons modérés. Est-ce parce qu’il a été mis au repos à temps ou parce qu’il avait saisi que la longueur de la crise nuirait aux sprinteurs de la certitude, je confesse mon incertitude à répondre promptement à cette question. Toutefois la certitude démontrée s’illustre dans les sondages d’opinion, il est aujourd’hui le chouchou de très nombreux archipels de la population française.
Jacky Isabello
Fondateur de l’agence de communication Coriolink