François Perret est candidat à la succession de Mathias Vicherat pour prendre la direction de Sciences Po Paris. Il répond aux questions d’Arnaud Benedetti.
Revue Politique et Parlementaire – Vous êtes candidat à la direction de l’IEP de Paris. Quelles sont vos motivations ?
François Perret – Ma candidature s’inscrit dans le temps long. Elle est le résultat d’une réflexion engagée dès 2021 où j’ai été une première fois candidat. J’ai à cœur d’aider Sciences Po à poursuivre son ambition d’excellence en sciences sociales, dans son enseignement comme dans sa recherche. On ne le dit pas assez, mais l’établissement truste les très belles places dans les classements internationaux. En 2024, il a atteint le second rang mondial dans la dernière édition du palmarès Q.S en science politique.
Pour réussir, toutes les communautés de Sciences Po doivent travailler ensemble. J’attacherai une importance toute particulière à fédérer enseignants/chercheurs, vacataires, élèves et alumni et partenaires de Sciences Po en les réunissant dans un projet commun.
RPP – L’école a été ces dernières semaines l’objet de nombreuses controverses politiques et médiatiques. Comment entendez-vous travailler au redressement de son image ?
François Perret – Sciences Po a été l’objet d’attaques et d’initiatives d’inspiration communautariste ne respectant pas la neutralité de l’enseignement supérieur. Certains groupuscules se croient décidément tout permis et l’administrateur provisoire a dû faire preuve de courage et de fermeté pour ramener l’ordre et le calme au sein du campus parisien.
Derrière ces offensives, c’est la République tout entière qui a été attaquée.
Je veux le dire clairement : Sciences Po n’est pas un lieu de combat (politique, idéologique, religieux…) et doit rester un lieu de débat, d’apprentissage et de recherche où chacun peut étudier et travailler dans la sérénité et dans le respect de tous.
Si je devais prendre la tête de Sciences Po, je ferais en sorte qu’on ne perde jamais de vue ces principes de dialogue, de tolérance et d’universalisme qui ont guidé les pas de l’ancienne école libre des sciences politiques depuis sa fondation en 1871 par Émile Boutmy.
RPP – Comment entendez-vous concilier l’héritage de Sciences Po, ses fondamentaux tout en lui permettant d’être un établissement favorisant la mobilité sociale ?
François Perret – La bataille menée par les directeurs précédents depuis Richard Descoings en faveur de l’égalité des chances est essentielle à mes yeux. Rien n’empêche une école de viser l’excellence universitaire et l’ouverture sociale. De belles choses ont été réalisées de ce point de vue depuis les deux dernières décennies.
Mais il ne faut jamais tomber dans la facilité ni les caricatures. Certains ont pris le risque de renoncer à une sélection neutre et objective à l’entrée du Collège universitaire au motif non recevable que celle-ci ne serait plus compatible avec la démocratisation de l’accès à Sciences Po. Il est impératif de restaurer les épreuves écrites à l’entrée pour s’assurer que les fondamentaux intellectuels et même moraux (citoyenneté…) soient maîtrisés par les futurs apprenants. Prétendre étudier à l’Institut d’Études Politiques de Paris, c’est faire la démonstration de sa volonté d’apprendre, de comprendre et d’accepter la complexité, mais aussi d’être un citoyen susceptible d’éclairer le débat dans une économie et une société en pleine transformation.
RPP – Quelles sont les pistes pédagogiques que vous entendez promouvoir ?
François Perret – La scolarité des élèves de Sciences Po a été particulièrement bien construite à la faveur de la réforme de ces dernières années au Collège universitaire (trois premières années). Sciences Po a également élaboré une offre très variée de Masters et fortifié son école doctorale.
Mais je trouve qu’elle peut mieux faire encore pour favoriser la professionnalisation de ses élèves, encore trop peu nombreux à bénéficier de l’alternance et d’un dispositif d’orientation et d’accompagnement individualisé tout au long de leur parcours. J’ai aussi le sentiment que l’école doctorale devra être en mesure demain d’ouvrir plus de perspectives professionnelles en entreprise aux doctorants d’aujourd’hui.
RPP – Comment comptez-vous travailler avec le monde de l’entreprise ?
François Perret – C’est une question importante pour deux raisons principales.
D’abord, parce qu’aujourd’hui la majorité des diplômés de Sciences Po rejoignent le secteur privé, en France ou à l’étranger. On peut imaginer que pendant leur scolarité les élèves aient des liens non seulement avec les grandes entreprises, comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi avec le monde des PME, des start-ups et des associations. Un univers que je connais bien, pour travailler directement avec lui et les organisations patronales, syndicales et les fédérations professionnelles depuis plus de quinze ans.
La question de la proximité de Sciences Po avec l’entreprise renvoie également à un second enjeu : celui du développement de ses ressources financières. Les revenus de Sciences Po, sur un budget de plus de 220 millions d’euros, dépendent de moins en moins de l’État. L’établissement ne peut pas s’engager non plus dans une course effrénée à l’augmentation des droits de scolarité, qui pénaliserait les étudiants et les familles les plus modestes. La vraie solution, c’est d’aller chercher des partenariats et des dons avec le secteur privé, et de convaincre un plus grand nombre d’investisseurs de s’intéresser à Sciences Po.
L’école de la rue Saint Guillaume, également très présente en région et à l’international, doit aussi développer son « Executive Education », et participer activement au mouvement d’appui à la reconversion professionnelle et aux mobilités des cadres publics et privés qui veulent évoluer vers les métiers d’avenir (IA, transition écologique, etc.).
Les communautés de Sciences Po pourront compter sur ma capacité à jouer un rôle de passerelle entre le secteur public et le secteur privé pour poursuivre les transformations déjà engagées et redonner toute son âme à une école qui compte dans le cœur des Françaises et des Français.
François Perret
Haut-fonctionnaire
Diplômé de Sciences Po et de l’E.N.A.
Professeur affilié à l’ESCP